sa vie
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Marcel Roux a vécu exactement 22 ans avant 1900, et 22 ans après. L'historienne d'art, Colette E. Bidon, le décrit comme "diabolique et apocalyptique", en citant Mathieu Varille. Cet artiste encore très insuffisamment connu a laissé d'une vie abrégée par une maladie d'angoisse une oeuvre gravée forte, belle et admirable; sur cuivre d'abord, puis sur bois, il y a inscrit un monde aussi fort que ceux de Breughel, Bosch, Rembrandt, Munch, Redon, Ensor ou Goya; il fut le contemporain et l'ami de Combet-Descombes, Brunier, Drevet et surtout Paul Borel.
Né à Bessenay, le 11 septembre 1878 de Joseph ROUX, artiste comique et de Stéphanie JEANNE, son épouse sans profession, il a beaucoup voyagé, et loin, avec ses parents. |
DISCOURS INAUGURAl DE LA RUE MARCEL ROUX A BESSENAY LE 3 JUIN 2007
de Colette BIDON, historienne d’art,
Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup d'émotion que je participe à l'inauguration de la rue Marcel Roux dans votre joli village de Bessenay. Je remercie Monsieur le Maire et ses administrés qui, avec le soutien de l'Association du Patrimoine et de l'Environnement, ont pris cette décision d'honorer un artiste né à Bessenay en 1878.
Marcel Roux est un peintre-graveur de talent, peintre modeste dans son oeuvre dont il ne reste pas beaucoup d'oeuvres, vendues pour la plupart en Amérique du Sud, mais dessinateur et graveur loué en son temps, et comparé par les critiques d'art parisiens au grand Rembrandt. Mort très jeune, à 44 ans, il a pourtant laissé une oeuvre gravée considérable, on a en effet dénombré plus de 425 gravures. On l'a parfois surnommé le graveur maudit, car son oeuvre est largement orientée vers le mal et les péchés capitaux. Élève de Paul Borel, peintre-graveur mystique, qui préférait décrire le Bien sous toutes formes, Marcel Roux habitait un atelier que lui avait prêté Paul Borel à Lyon. Très jeune, il dessinait des « diableries » selon les termes de son maître. Aussi croyant, aussi mystique que Borel, Marcel Roux a tenté de dénoncer les méfaits de la société industrielle sur l'être humain, la révolte de l'ouvrier harcelé par un travail dur et mal rémunéré, le drame de l'alcool compensant la fatigue et l'amertume, la prostitution qui pouvait rapporter quelques sous aux ouvrières démunies, la famille éclatée, la puissance des politiciens sur le monde du travail, bref toutes les insatisfactions d'un peuple surmené et pressuré. Son oeuvre parait donc très moderne à l'heure actuelle. En son temps, elle était révolutionnaire et elle dérangeait car elle devenait moralisatrice par son expressionnisme social.
En 1912, Marcel Roux participe à Bruxelles à une exposition d'art religieux. La même année, le grand collectionneur Jacques Doucet fait entrer dans sa bibliothèque la collection complète des gravures de Marcel Roux.
Son âme d'artiste fut forgée familièrement par un père bohème, théâtreux, emmenant son fils dans ses déplacements, jusqu'en Russie. C'est ainsi que l'enfant Marcel Roux a côtoyé la mort en traversant des pays misérables, et nous a transmis sa vision fantastique d'une vie déréglée, sans douceur. Son but n'a pas été tellement de faire peur, mais surtout d'espérer atteindre à une certaine rédemption.
Après une longue période d'austérité, bouleversé par les sujets quelque peu morbides qu'il traitait dans ses gravures, Marcel Roux découvre, dans la collection de Jacques Doucet, à travers les oeuvres de Degas et de Gauguin, la femme dans sa splendeur, mais cependant une femme toujours poursuivie par le serpent, symbole du Mal. C'est à ce moment qu'il abandonne la gravure à l'eau-forte et s'adonne à la gravure sur bois qui lui permet d'exprimer des sentiments nouveaux, à la fois plus tendres et plus subtils.
La nuit, la mort d'une part dans les eaux-fortes, la clarté, la douceur dans les gravures sur bois, le Bien, le Mal, tels sont les contrastes réunis dans l'oeuvre de Marcel Roux, disciple de Saint Paul et de sa formule "Je meurs tous les jours". C'est d'ailleurs, à partir de ce changement dans la traduction de ses pensées, que Marcel Roux s'éloigne de sa foi religieuse.
Sa carrière suit ses passions. L'eau-forte le consacre grand maître de l'estampe. Installé à Paris, près de la porte de Bagneux, comme tous les artistes lyonnais qui « montaient » à Paris, Marcel Roux reçoit une commande pour la Chalcographie du Louvre, une copie d'une gravure de Rembrandt qui sera la première étape de son succès.
La guerre arrive. Engagé comme infirmier, Marcel Roux contracte un ulcère à l'estomac qui lui enlève toute velléité de poursuivre son oeuvre gravé à l'eau-forte.
C'est en 1922, à 44 ans qu'il quitte sa terre de douleur, ainsi qu'il aimait à le souligner, après avoir réalisé avec violence sa charge contre la Société, tentant de convaincre ce peuple, dont il était issu, de renoncer aux plaisirs vains et néfastes.
Mathieu Varille, critique d'art lyonnais, a traité son oeuvre de « diabolique et apocalyptique ». C'est vrai, bien sûr, dans la réalisation technique et les effets des estampes. C'est faux spirituellement puisque Marcel Roux, par son oeuvre, voulait modifier le comportement et de la Société industrielle et des hommes, recherchant une vérité tendant à prouver, par le Mal, que Dieu existe.
Il reste de son oeuvre une puissance mystique très forte que Les Nouvelles de l'Estampe, revue du Cabinet des Estampes à la Bibliothèque Nationale de Paris, en 1989, le Musée de l'Imprimerie à Lyon en 1991, et la revue Gryphe de la Bibliothèque Municipale de Lyon, en 2003, ont su mettre en valeur.
Il me reste, Monsieur le Maire, à vous demander un véritable Musée Marcel Roux, à Bessenay, pour que le Musée virtuel Marcel Roux, créé par l'Association du Patrimoine et de l'Environnement, puisse se concrétiser par les visites réelles des habitants de la région d'abord, puis des touristes attirés chez vous par la grandeur de cet artiste.
Lorsque le Musée sera installé dans ses murs, je m'engage à remettre à son Conservateur l'oeuvre qui a servi à l'illustration de votre invitation « La Femme aux cerises », cadeau de Marcel Roux à sa jeune épousée, symbole de l'une des activités de Bessenay, la cerise.
Marcel Roux est mort et repose dans le cimetière de Chartres, sur une colline face à la cathédrale, pour laquelle il avait restauré les vitraux après la guerre de 14-18, et dont on parle encore du « bleu Marcel Roux ».
Merci pour cet hommage rendu à Marcel Roux que j'ai pu faire resurgir depuis 1989 dans le monde de l'Art.
Merci à tous pour votre présence à l'inauguration de la rue Marcel Roux.
Colette E. BIDON Le 3 juin 2007
Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup d'émotion que je participe à l'inauguration de la rue Marcel Roux dans votre joli village de Bessenay. Je remercie Monsieur le Maire et ses administrés qui, avec le soutien de l'Association du Patrimoine et de l'Environnement, ont pris cette décision d'honorer un artiste né à Bessenay en 1878.
Marcel Roux est un peintre-graveur de talent, peintre modeste dans son oeuvre dont il ne reste pas beaucoup d'oeuvres, vendues pour la plupart en Amérique du Sud, mais dessinateur et graveur loué en son temps, et comparé par les critiques d'art parisiens au grand Rembrandt. Mort très jeune, à 44 ans, il a pourtant laissé une oeuvre gravée considérable, on a en effet dénombré plus de 425 gravures. On l'a parfois surnommé le graveur maudit, car son oeuvre est largement orientée vers le mal et les péchés capitaux. Élève de Paul Borel, peintre-graveur mystique, qui préférait décrire le Bien sous toutes formes, Marcel Roux habitait un atelier que lui avait prêté Paul Borel à Lyon. Très jeune, il dessinait des « diableries » selon les termes de son maître. Aussi croyant, aussi mystique que Borel, Marcel Roux a tenté de dénoncer les méfaits de la société industrielle sur l'être humain, la révolte de l'ouvrier harcelé par un travail dur et mal rémunéré, le drame de l'alcool compensant la fatigue et l'amertume, la prostitution qui pouvait rapporter quelques sous aux ouvrières démunies, la famille éclatée, la puissance des politiciens sur le monde du travail, bref toutes les insatisfactions d'un peuple surmené et pressuré. Son oeuvre parait donc très moderne à l'heure actuelle. En son temps, elle était révolutionnaire et elle dérangeait car elle devenait moralisatrice par son expressionnisme social.
En 1912, Marcel Roux participe à Bruxelles à une exposition d'art religieux. La même année, le grand collectionneur Jacques Doucet fait entrer dans sa bibliothèque la collection complète des gravures de Marcel Roux.
Son âme d'artiste fut forgée familièrement par un père bohème, théâtreux, emmenant son fils dans ses déplacements, jusqu'en Russie. C'est ainsi que l'enfant Marcel Roux a côtoyé la mort en traversant des pays misérables, et nous a transmis sa vision fantastique d'une vie déréglée, sans douceur. Son but n'a pas été tellement de faire peur, mais surtout d'espérer atteindre à une certaine rédemption.
Après une longue période d'austérité, bouleversé par les sujets quelque peu morbides qu'il traitait dans ses gravures, Marcel Roux découvre, dans la collection de Jacques Doucet, à travers les oeuvres de Degas et de Gauguin, la femme dans sa splendeur, mais cependant une femme toujours poursuivie par le serpent, symbole du Mal. C'est à ce moment qu'il abandonne la gravure à l'eau-forte et s'adonne à la gravure sur bois qui lui permet d'exprimer des sentiments nouveaux, à la fois plus tendres et plus subtils.
La nuit, la mort d'une part dans les eaux-fortes, la clarté, la douceur dans les gravures sur bois, le Bien, le Mal, tels sont les contrastes réunis dans l'oeuvre de Marcel Roux, disciple de Saint Paul et de sa formule "Je meurs tous les jours". C'est d'ailleurs, à partir de ce changement dans la traduction de ses pensées, que Marcel Roux s'éloigne de sa foi religieuse.
Sa carrière suit ses passions. L'eau-forte le consacre grand maître de l'estampe. Installé à Paris, près de la porte de Bagneux, comme tous les artistes lyonnais qui « montaient » à Paris, Marcel Roux reçoit une commande pour la Chalcographie du Louvre, une copie d'une gravure de Rembrandt qui sera la première étape de son succès.
La guerre arrive. Engagé comme infirmier, Marcel Roux contracte un ulcère à l'estomac qui lui enlève toute velléité de poursuivre son oeuvre gravé à l'eau-forte.
C'est en 1922, à 44 ans qu'il quitte sa terre de douleur, ainsi qu'il aimait à le souligner, après avoir réalisé avec violence sa charge contre la Société, tentant de convaincre ce peuple, dont il était issu, de renoncer aux plaisirs vains et néfastes.
Mathieu Varille, critique d'art lyonnais, a traité son oeuvre de « diabolique et apocalyptique ». C'est vrai, bien sûr, dans la réalisation technique et les effets des estampes. C'est faux spirituellement puisque Marcel Roux, par son oeuvre, voulait modifier le comportement et de la Société industrielle et des hommes, recherchant une vérité tendant à prouver, par le Mal, que Dieu existe.
Il reste de son oeuvre une puissance mystique très forte que Les Nouvelles de l'Estampe, revue du Cabinet des Estampes à la Bibliothèque Nationale de Paris, en 1989, le Musée de l'Imprimerie à Lyon en 1991, et la revue Gryphe de la Bibliothèque Municipale de Lyon, en 2003, ont su mettre en valeur.
Il me reste, Monsieur le Maire, à vous demander un véritable Musée Marcel Roux, à Bessenay, pour que le Musée virtuel Marcel Roux, créé par l'Association du Patrimoine et de l'Environnement, puisse se concrétiser par les visites réelles des habitants de la région d'abord, puis des touristes attirés chez vous par la grandeur de cet artiste.
Lorsque le Musée sera installé dans ses murs, je m'engage à remettre à son Conservateur l'oeuvre qui a servi à l'illustration de votre invitation « La Femme aux cerises », cadeau de Marcel Roux à sa jeune épousée, symbole de l'une des activités de Bessenay, la cerise.
Marcel Roux est mort et repose dans le cimetière de Chartres, sur une colline face à la cathédrale, pour laquelle il avait restauré les vitraux après la guerre de 14-18, et dont on parle encore du « bleu Marcel Roux ».
Merci pour cet hommage rendu à Marcel Roux que j'ai pu faire resurgir depuis 1989 dans le monde de l'Art.
Merci à tous pour votre présence à l'inauguration de la rue Marcel Roux.
Colette E. BIDON Le 3 juin 2007