POURSUITE DU SIEUR FETUS EPICIER A BESSENAY EN 1880
TRIBUNAL DE COMMERCE DE LYON
Audiences des 27 février et 8 octobre 1880.
Lorsqu'un procès-verbal a été rapporté, pour détention et mise en vente d'allumettes de fraude, contre un commerçant autorisé pour la vente des allumettes chimiques, conformément aux prescriptions de l'article Ier de la lot du 15 mars 1873, la transaction qui intervient et entre la Régie et le contrevenant n'éteint que la contravention prévue et punie par l'article 4e" de la loi du 2$ juillet 1875. Elle ne fait pas disparaître le droit réservé à la Compagnie concessionnaire du monopole, par l'article 9 de son cahier des charges, d'intenter une action en dom-mages-intérêts pour répartition du préjudice commercial qui lui a été causé. Le Tribunal de commerce est compétent pour connaître de cette action en dommages-intérêts.
LE TRIBUNAL :
Attendu qu'à la date du 6 juin 1879, un procès-verbal de contravention a été dressé par un contrôleur des contributions indirectes et par un agent assermenté de la Compagnie des allumettes chimiques contre un sieur Fétus, épicier à Bessenay, (fils d'un important fabricant de sabot à Bessenay) trouvé détenteur d'une certaine quantité d'allumettes chimiques d'une provenance illicite ;
Attendu que, dans ces conditions, la Régie, usant du droit qui lui appartenait, aux termes de l'article 9 du cahier des charges de la Compagnie, a, le 21 juillet suivant, transigé avec Fétus sur la contravention relevée contre celui-ci ;
Attendu que la Compagnie des allumettes, soutenant que cette transaction n'a eu d'autre effet que d'arrêter l'action publique pouvant être dirigée contre Fétus, conformément à la loi du 28 juillet 1875, mais n'éteint pas celle qu'elle a le droit d'exercer, de son côté, contre lui, a, par exploit du 6 septembre enregistré, assigné ce dernier devant notre Tribunal en paiement de deux mille francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'il lui a causé par ses agissements ;
Attendu que le sieur Fétus oppose à cette demande l'incompétence de notre Tribunal, qu'il fonde cette exception sur ce qu'en dehors du délit reproché à Fétus, dont la répression a été éteinte par la transaction susmentionnée, il n'existe entre lui et la Compagnie aucun contrat commercial l'autorisant à porter le litige devant la juridiction consulaire. Sur le déclinatoire proposé: attendu qu'il a été souverainement jugé par la Cour de cassation, arrêt du 6 mars 1857:
« Que les juridictions civiles et criminelles sont indépendantes l'une de l'autre, et que cette indépendance nsouffre d'exception qu'au cas où l'action publique soulève une question préjudicielle » ;
Attendu qu'en application de ces principes, l'article 9 du cahier des charges, qui a servi de base à la convention passée entre l'État et la Compagnie des allumettes chimiques, indique nettement que l'action publique résultant de la contravention est distincte de l'action civile que le concessionnaire pourra exercer en raison du préjudice qui lui aurait été causé ;
Que dans son dernier paragraphe il lui réserve le droit d'en demander réparation dans la forme et dans la mesure qu'il croira utile à ses intérêts ;
Attendu que cette distinction est d'autant plus nécessaire qu'il ne s'agit pas de contravention oit les droits de l'État sont seuls lésés ;
Qu'en effet l'État n'intervient que pour protéger le monopole par lui concédé à une Compagnie qui opère à ses risques et périls comme industriel ;
Attendu que, lorsque l'Administration transige, elle ne peut le faire que sur les matières qui sont de son ressort et vider seulement la question préjudicielle ;
Qu'ainsi, dans l'espèce, la transaction intervenue et à laquelle la Compagnie demanderesse est restée étrangère, ne saurait avoir pour effet, lors même qu'aux termes du cahier des charges la moitié de l'amende reste attribuée au concessionnaire, d'enlever à ce dernier le droit de demander réparation du préjudice personnel qui lui a été causé,
Attendu que l'article 9 ne réservant à aucune juridiction spéciale la connaissance de cette action, son attribution reste donc soumise aux règles du droit commun ;
Et attendu que les deux parties sont commerçantes ; que soit qu'il achète des allumettes pour son compte, soit qu'il les reçoive de la Compagnie, en dépôt, pour les revendre moyennant commission, le sieur Fétus fait acte de commerce; qu'il ressort des documents produits aux débats qu'il a lui- même sollicité et obtenu de la Compagnie l'autorisation de vendre ses allumettes ;
Qu'il appartient donc à la juridiction consulaire d'apprécier les allégations pouvant découler d'un pareil contrat, lequel a un caractère évidemment commercial ;
Que d'ailleurs en dehors des exceptions spécialement prévues par la loi, cette juridiction est également apte à connaître, lors même qu'il n'y aurait pas de contrat, des torts qu'un commerçant peut causer à un autre commerçant par ses agissements commerciaux ;
Qu'ainsi c'est à juste titre que notre tribunal a été saisi de la contestation;
Attendu que les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe, Dispositif : Par ces motifs: Le Tribunal, jugeant en 1er ressort, se déclare compétent, retient la cause et renvoie les parties
pour conclure et plaider au fond devant ce Tribunal
Condamne le sieur Fétus aux frais et accessoires du présent jugement.
La cause a été de nouveau appelée à l'audience du 8 octobre 1880 pour être plaidée sur le fond.
Le sieur Fétus a fait défaut.
Après délibéré, le Tribunal a rendu, le môme jour, le jugement suivant:
Attendu que par exploit de l'huissier Max, de Lyon, en date du 4 niai 1880, enregistré, la Compagnie générale des allumettes reprenant l'instance par elle introduite le 8 septembre précédent, réclame à Fétus le paiement avec intérêts d’une somme de 2,000 francs pour réparation du préjudice que ce dernier lui aurait causé en vendant en fraude des allumettes autres que celles qui lui étaient fournies par la Compagnie et contrairement aux accords verbaux existant entre cette dernière et le défendeur ;
Attendu qu'après avoir sollicité des délais pour présenter sa défense. Fétus n'a plus comparu, ni personne pour lui; qu'il laisse donc suffisamment présumer par son silence n'avoir aucun moyen sérieux à opposer à la demande qui lui est formée ;
Attendu toutefois que le préjudice allégué n'est pas suffisamment justifié pour être admis ; qu'avec les éléments d'appréciation qu'il possède, le Tribunal estime que la réparation sera suffisante en la fixant au chiffre de 500 francs et en condamnant Fétus aux dépens de l'instance ;
Dispositif:
Par ces motifs : Le tribunal, jugeant en premier ressort, donne à la Compagnie requérante défaut, faute de plaider, contre Fétus, et pour le profit, condamne ce dernier, pour y être contraint par toutes les voies de droit, à payer à la Compagnie générale des allumettes à titre de dommages- intérêts, pour les causes dont s'agit la somme de cinq cents francs, les intérêts de droit et les dépens de l'instance.
Audiences des 27 février et 8 octobre 1880.
Lorsqu'un procès-verbal a été rapporté, pour détention et mise en vente d'allumettes de fraude, contre un commerçant autorisé pour la vente des allumettes chimiques, conformément aux prescriptions de l'article Ier de la lot du 15 mars 1873, la transaction qui intervient et entre la Régie et le contrevenant n'éteint que la contravention prévue et punie par l'article 4e" de la loi du 2$ juillet 1875. Elle ne fait pas disparaître le droit réservé à la Compagnie concessionnaire du monopole, par l'article 9 de son cahier des charges, d'intenter une action en dom-mages-intérêts pour répartition du préjudice commercial qui lui a été causé. Le Tribunal de commerce est compétent pour connaître de cette action en dommages-intérêts.
LE TRIBUNAL :
Attendu qu'à la date du 6 juin 1879, un procès-verbal de contravention a été dressé par un contrôleur des contributions indirectes et par un agent assermenté de la Compagnie des allumettes chimiques contre un sieur Fétus, épicier à Bessenay, (fils d'un important fabricant de sabot à Bessenay) trouvé détenteur d'une certaine quantité d'allumettes chimiques d'une provenance illicite ;
Attendu que, dans ces conditions, la Régie, usant du droit qui lui appartenait, aux termes de l'article 9 du cahier des charges de la Compagnie, a, le 21 juillet suivant, transigé avec Fétus sur la contravention relevée contre celui-ci ;
Attendu que la Compagnie des allumettes, soutenant que cette transaction n'a eu d'autre effet que d'arrêter l'action publique pouvant être dirigée contre Fétus, conformément à la loi du 28 juillet 1875, mais n'éteint pas celle qu'elle a le droit d'exercer, de son côté, contre lui, a, par exploit du 6 septembre enregistré, assigné ce dernier devant notre Tribunal en paiement de deux mille francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'il lui a causé par ses agissements ;
Attendu que le sieur Fétus oppose à cette demande l'incompétence de notre Tribunal, qu'il fonde cette exception sur ce qu'en dehors du délit reproché à Fétus, dont la répression a été éteinte par la transaction susmentionnée, il n'existe entre lui et la Compagnie aucun contrat commercial l'autorisant à porter le litige devant la juridiction consulaire. Sur le déclinatoire proposé: attendu qu'il a été souverainement jugé par la Cour de cassation, arrêt du 6 mars 1857:
« Que les juridictions civiles et criminelles sont indépendantes l'une de l'autre, et que cette indépendance nsouffre d'exception qu'au cas où l'action publique soulève une question préjudicielle » ;
Attendu qu'en application de ces principes, l'article 9 du cahier des charges, qui a servi de base à la convention passée entre l'État et la Compagnie des allumettes chimiques, indique nettement que l'action publique résultant de la contravention est distincte de l'action civile que le concessionnaire pourra exercer en raison du préjudice qui lui aurait été causé ;
Que dans son dernier paragraphe il lui réserve le droit d'en demander réparation dans la forme et dans la mesure qu'il croira utile à ses intérêts ;
Attendu que cette distinction est d'autant plus nécessaire qu'il ne s'agit pas de contravention oit les droits de l'État sont seuls lésés ;
Qu'en effet l'État n'intervient que pour protéger le monopole par lui concédé à une Compagnie qui opère à ses risques et périls comme industriel ;
Attendu que, lorsque l'Administration transige, elle ne peut le faire que sur les matières qui sont de son ressort et vider seulement la question préjudicielle ;
Qu'ainsi, dans l'espèce, la transaction intervenue et à laquelle la Compagnie demanderesse est restée étrangère, ne saurait avoir pour effet, lors même qu'aux termes du cahier des charges la moitié de l'amende reste attribuée au concessionnaire, d'enlever à ce dernier le droit de demander réparation du préjudice personnel qui lui a été causé,
Attendu que l'article 9 ne réservant à aucune juridiction spéciale la connaissance de cette action, son attribution reste donc soumise aux règles du droit commun ;
Et attendu que les deux parties sont commerçantes ; que soit qu'il achète des allumettes pour son compte, soit qu'il les reçoive de la Compagnie, en dépôt, pour les revendre moyennant commission, le sieur Fétus fait acte de commerce; qu'il ressort des documents produits aux débats qu'il a lui- même sollicité et obtenu de la Compagnie l'autorisation de vendre ses allumettes ;
Qu'il appartient donc à la juridiction consulaire d'apprécier les allégations pouvant découler d'un pareil contrat, lequel a un caractère évidemment commercial ;
Que d'ailleurs en dehors des exceptions spécialement prévues par la loi, cette juridiction est également apte à connaître, lors même qu'il n'y aurait pas de contrat, des torts qu'un commerçant peut causer à un autre commerçant par ses agissements commerciaux ;
Qu'ainsi c'est à juste titre que notre tribunal a été saisi de la contestation;
Attendu que les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe, Dispositif : Par ces motifs: Le Tribunal, jugeant en 1er ressort, se déclare compétent, retient la cause et renvoie les parties
pour conclure et plaider au fond devant ce Tribunal
Condamne le sieur Fétus aux frais et accessoires du présent jugement.
La cause a été de nouveau appelée à l'audience du 8 octobre 1880 pour être plaidée sur le fond.
Le sieur Fétus a fait défaut.
Après délibéré, le Tribunal a rendu, le môme jour, le jugement suivant:
Attendu que par exploit de l'huissier Max, de Lyon, en date du 4 niai 1880, enregistré, la Compagnie générale des allumettes reprenant l'instance par elle introduite le 8 septembre précédent, réclame à Fétus le paiement avec intérêts d’une somme de 2,000 francs pour réparation du préjudice que ce dernier lui aurait causé en vendant en fraude des allumettes autres que celles qui lui étaient fournies par la Compagnie et contrairement aux accords verbaux existant entre cette dernière et le défendeur ;
Attendu qu'après avoir sollicité des délais pour présenter sa défense. Fétus n'a plus comparu, ni personne pour lui; qu'il laisse donc suffisamment présumer par son silence n'avoir aucun moyen sérieux à opposer à la demande qui lui est formée ;
Attendu toutefois que le préjudice allégué n'est pas suffisamment justifié pour être admis ; qu'avec les éléments d'appréciation qu'il possède, le Tribunal estime que la réparation sera suffisante en la fixant au chiffre de 500 francs et en condamnant Fétus aux dépens de l'instance ;
Dispositif:
Par ces motifs : Le tribunal, jugeant en premier ressort, donne à la Compagnie requérante défaut, faute de plaider, contre Fétus, et pour le profit, condamne ce dernier, pour y être contraint par toutes les voies de droit, à payer à la Compagnie générale des allumettes à titre de dommages- intérêts, pour les causes dont s'agit la somme de cinq cents francs, les intérêts de droit et les dépens de l'instance.